Mesdames et Messieurs ! Je vous invite à découvrir le tout premier Grand Prix Animal Anormal, décerné à 10 bandes dessinées D’EXCEPTION illustrées par des femmes.
Soyons bien clair.e.s : ces albums sont des pépites, indépendamment du fait qu’ils aient été créés par des femmes. Mais le manque de représentation de ces dernières dans la BD, notamment au FIBD d’Angoulême, peut vous avoir complètement dissimulé leur existence.
Je précise que cette liste est non exhaustive et subjective. Effectivement, il s’agit uniquement des albums qui m’ont le plus marquée parmi ceux que j’ai achetés et lus. Certains sont récents, d’autres moins, et il y a tous les styles.
Mauvais genre – Chloé Cruchaudet
(Scénariste et illustratrice)
Découvrez tout d’abord l’histoire vraie d’un couple, qui monte tout un stratagème pour dissimuler la désertion de Paul durant la première guerre mondiale. Troubles du genre et traumas de la guerre et guinguettes sont au rendez-vous dans cet album qui est probablement mon préféré de cette liste.
J’ai aimé :
– L’histoire, qui est dingue.
– Les couleurs, quasi en bicolore. Avec ce rouge qui vient mettre de la tension tout du long.
– La composition des pages. On ne s’ennuie jamais.
– Le rythme.
J’ai moins aimé :
– Rien, c’est une des meilleures BD que j’ai lu.
Jolies ténèbres – Marie Pommepuy
(Illustratrice au sein d’un duo: les Kerascoët)
Cette bande dessinée a des airs de conte pour enfants tout mignon, mais ne vous y fiez pas. Car il s’agit d’un OVNI dans la liste du Grand Prix Animal Anormal. Ames sensibles s’abstenir donc, car on est à la frontière entre Game of Thrones et « Happy Tree Friends ». Mais je n’en dis pas trop.
J’ai aimé :
– L’illustration en contraste total avec l’histoire, c’est super perturbant mais génial.
– Etre déstabilisée en permanence.
J’ai moins aimé :
– Je suis une âme sensible. Et j’étais seule chez moi quand j’ai décidé de lire cette BD.
California Dreamin – Pénélope Bagieu
(Scénariste et llustratrice)
Il s’agit de la biographie illustrée de la chanteuse Ellen Cohen, membre star du groupe Mamas and the Papas. L’histoire est celle d’une femme au talent de folie, dont les complexes vont pourtant se mettre en travers du chemin.
J’ai aimé :
– Pénélope Bagieu dans un registre plus sensible que à quoi on s’attend de prime abord. Un trait moins propre et des émotions brutes.
– C’est le genre de lecture où dès que j’ai eu terminé, je me suis plongée dans un vortex de documentation tellement je voulais en savoir plus.
J’ai moins aimé :
– C’est un album crayonné en noir et blanc. Donc pour moi qui aime les belles colorisations c’était un chouia frustrant.
Radium girls – Cy
(Scénariste et llustratrice)
L’histoire vraie des Radium Girls dont je ne vais essayer de ne rien vous divulgâcher. Je peux juste vous dire que l’action se passe dans le New Jersey des années 20, ainsi que le fait que l’on suit un groupe d’ouvrières au sein du « United State Radium Corporation ».
Il est à noter que le compte Instagram de Cy est un joyau d’information passionnantes sur le métier d’illustratrice en bande dessinée. Des réflexions sur la législation, au détail du choix des aquarelles : elle fait le jour sur ce métier atypique.
J’ai aimé :
– Je suis Cy sur Instagram depuis longtemps, mais voir des planches « grand format » sur tout un album : c’est du petit lait.
– La colorisation est magnifique.
– Histoire de fou là aussi. On veut en connaître plus sur cet épisode de l’histoire.
J’ai moins aimé :
– Absolument rien car c’est génial. Une valeur sûre au sein du Grand Prix Animal Anormal.
Pucelle – Florence Dupré la Tour
(Scénariste et illustratrice)
Bon celui là en général on adore ou on déteste. Il s’agit d’une BD autobiographique, qui raconte la découverte de l’amour et de la sexualité par Florence, au sein d’une famille très catholique. C’est une lecture que j’ai trouvé très saine, car on soulève beaucoup de tabous sur la sexualité et sur les genres au sein de la famille. Le ton est léger, et elle se dessine de ces têtes !
J’ai aimé :
– L’illustration est très très vivante sous ses airs simplistes.
– C’est sans prétention, c’est purement honnête et plein d’auto-dérision.
– Constater que l’éducation sexuelle n’est pas encore un acquis. Florence Dupré la Tour n’a que 44 ans aujourd’hui, l’action ne se passe donc pas dans les années 50 !
J’ai moins aimé :
– Il y a des passages carrément gênants, mais c’est parce que c’est si bien raconté que j’ai été gênée pour l’héroïne.
Moi ce que j’aime, c’est les monstres – Emil Ferris
(Scénariste et illustratrice)
Un petit bijou d’illustration qui a été récompensé « prix de l’album de l’année » à Angoulême en 2019. C’est d’autant plus remarquable qu’il s’agit du tout premier ouvrage de sa créatrice ( à 59 ans! ). Les journalistes parlent d’une « œuvre cathédrale », opinion que partage volontiers le Grand Prix Animal Anormal. En effet, vous y trouverez 400 pages des plus belles illustrations que vous pourrez voir.
On suit l’histoire d’une petite fille, fan de magazines d’horreur, qui habite à Broadway dans les années 60-70. Lorsque sa voisine est retrouvée morte, la petite se découvre une âme de détective, et mène une enquête qui mélange la réalité avec son imagination.
J’ai aimé :
– L’illustration et la colorisation entièrement au stylo bic coloré. Un chef d’œuvre.
– La composition des pages, dont aucune ne ressemble à la précédente.
J’ai moins aimé :
– Selon moi, il fallait un scénario impeccable pour soutenir des illustrations aussi grandioses. Mais malheureusement je trouve qu’il y a des longueurs. A vous de vous faire une idée.
La longue marche des Dindes – Léonie Bischoff
(Illustratrice)
D’après le roman éponyme de Kathleen Karr. C’est une bande dessinée « feel good » qui donne le sourire et envie de suivre son chemin. Par conséquent, elle convient très bien aux enfants et adultes de tout âge.
On y suit l’aventure d’un cancre sur qui presque personne ne souhaite miser. Mais l’intelligence scolaire et l’intelligence « pratique » sont deux choses bien différentes.
J’ai aimé :
– La colorisation qui est très douce.
– Le regard porté sur les animaux dans une époque ou ce n’était pas vraiment la mode.
– Nul doute que l’optimisme communicatif de l’histoire saura vous attendrir.
J’ai moins aimé :
– Le traitement graphique est un petit peu moins subtil que que ce que j’avais vu chez Léonie Bischoff avant.
Un rêve de renard – Minna Sundberg
(Scénariste et illustratrice)
Avant de commencer cette lecture, il est à noter que sa créatrice, Minna Sundberg, est suédo-finlandaise. Cet album est en fait l’histoire d’un jeune homme et de son chien, qui se retrouvent à devoir cheminer au cœur de différents mythes finlandais. J’ai donc trouvé totalement improbable tout un tas de choses. Et pourtant, j’ai été aspirée.
J’ai aimé :
– Le bestiaire de folie illustré avec brio.
– Le ton qui commence presque enfantin, mais qui se poursuit vers quelque chose de plus ambigu.
– L’occasion de découvrir des mythes et légendes superbes et dont j’ignorais tout.
J’ai moins aimé :
– Les personnages humains sont moins bien maîtrisés par la dessinatrice que les animaux. Au début j’ai eu du mal à faire abstraction.
– Pas certaine que la traduction soit vraiment nickel, certaines tournures de phrase sont un peu plan plan.
Cet ouvrage a d’abord été une « web BD » dont 4 pages étaient mises en ligne chaque semaine par Minna Sundberg. J’adore le côté open source qui permet de découvrir gratuitement le travail de l’artiste, et on le sait bien : ça ne remplacera jamais le format papier ! Le plaisir d’une belle BD ou d’un livre papier, c’est inégalable.
Idéal Standard – Aude Picault
(Scénariste et illustratrice)
« Un petit bijou » selon le jury du grand Prix Animal Anormal. La ligne est claire, mais pas dénuée de sens pour autant, un peu à la Sempé. On suit l’histoire de Claire dans son cheminement sentimental. Parfait pour celles qui sont dans cette période charnière de la trentaine, et qui subissent la pression sociale appliquée allègrement sur les femmes à cet âge là. Il s’agit d’une réflexion quasi philosophique sur la vie de couple et de famille.
J’ai aimé :
– Le côté « livre pour filles » mais loin d’être gnan gnan.
– Le style de dessin, tellement parfait pour cette histoire.
– Je l’ai fait/le ferais lire à toutes mes copines. Et à tous mes copains si je peux. C’est un moment passé dans la tête de quasi toutes les trentenaires de France.
J’ai moins aimé :
– Franchement, rien. J’ai adoré.
Itinéraire d’une garce – Grazia la Paluda
(Illustratrice)
Pour terminer, découvrez un ouvrage qui, avec le scénario de Céline Tran, constitue un des rares albums conçus par deux femmes. On y découvre l’histoire d’Elise, 52 ans, qui vit une routine rassurante et confortable au sein de son couple. Elle va se retrouver embarquée malgré elle dans un cheminement sentimental et sexuel pour se sentir à nouveau vivante. Attention, c’est coquin, érotique, mais pas pornographique pour autant.
J’ai aimé :
– Les dessins, la colorisation, la composition, bref : le travail IM-PE-CCABLE de Grazia la Paluda.
– Notamment les illustrations en page entière qui sont de pures merveilles.
– Le côté éducatif. On y découvre pas mal de réflexions sur la féminité et le plaisir. Là aussi, il serait intéressant de mettre cet album entre toutes les mains.
J’ai moins aimé :
– Le scénario. Qui est sympa mais un peu trop attendu à mon goût.
J’espère que cet article vous aura donné envie d’aller découvrir toutes ces merveilleuses artistes.
Sachez tout de même que l’illustration n’existe pas QUE dans le contexte de la bande dessinée bien sûr. Mais c’est une passion personnelle, et qui est un vivier d’artistes de talent qui m’inspirent au jour le jour.
Si vous souhaitez découvrir mes projets en illustration, c’est par ici :
Et par ici, vous pourrez découvrir la différence entre un.e illustrateur.ice et une.e graphiste. Deux métiers trop souvent confondus lorsqu’il s’agit de choisir un prestataire. Heureusement, certains.es professionnel.les font les deux… héhé.